Vers une

«POLARİSATİON UNİVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME»

dans un Monde Nouveau. (Un Resume)[1]

World Assembly for Human Rights March 22 - 27. Montreal - Canada

Prof. Dr. Bülent Nuri Esen[2]

 

La realisation des Droits de l'Homme depend de facteurs multiples.

Nous allons retenir un seul de ces facteurs : le facteur «regime politique». C'est par rapport au regime politique que nous allons tâcher de voir la question des Garanties des Droits de l'Homme.

Pour ne pas tomber dans le domaine des discussions bien connues relatives aux conceptions de democratie, nous prefererons le terme de «Etat de Droit» (Rule of Law).

Dans les pays oü existe la Primaute du Droit, le mode de gouvernement consiste dans le systeme representatif. Et, ce systeme suppose des elections libres avec suffrage üniversel. C'est la, la condition unique du systeme. Seulement, il ne faut pas perdre de vue que ce n'est qu'une condition formelle. Elle en est d'ailleurs la seule. İl n'y en a pas d'autres. Le systeme de gouvernement peut se presenter comme parlementaire, presidentiel ou conventionnel. Ce qui importe, c'est que la condition originelle du suffrage üniversel soit remplie. Car, le representant elu detient sa legitimite de l'operation electorale.

La question de la garantie des droits de l'homme peut se presenter surtout au cours de la duree du mandat de l'elu. Nous sommes ici en face d'un veritable probleme de Droit Constitutionınel. İl s'agit en effet, d'executer le mandat parlementaire conformement aux principes constitutionnels. C'est lâ la condition de fond de l'Etat oü regne la Primaute du Droit. Car, ce sont les normes de base de l'ordre constitutionnel qui determinent le caractere du regime politique. Quand ces normes correspondent a celles generalement connues et appliquees par les pays civilises, on est fonde â dire qu'il s'agit d'un systeme politique oü regne la Primaute du Droit (rappelons que la Commission Internationale de Juristes a dejâ donne une definition generale de ce terme).

Ce qui importe donc au fond, c'est que l'elu agisse dans les limites du cadre de la Constitution.

D'autre part, le regime de gouvernement dans un Etat de Primaute de Droit ou seulement dans un Etat de Droit presuppose l'existence d'un systeme multipartite. Par consequent, les gouvernants ainsi que leurs concurrents se presentent normalement sous forme de partis politiques. L'eventeil que forment la multiplicite des partis politiques est une des conditions essentielles de l'Etat de Droit democratique.

Si done, nous sommes en presence d'un tel Etat, la regle a suivre devra etre la suivante : les representants, qu'ils soient membres d'un parti politique ou independants, sont tenus de respeeter et d'observer strictement les preceptes etablis par la Constitution. Que la constitution d'un pays soit ecrite ou non ecrite, la regle reste la meme.

Cette conelusion nous semble digne de retenir l'attention. En effet, l'elu, et particulierement, le parti politique disposant de la majorite legislative, peut penser qu'ayant remporte les voix du grand nombre des electeurs, c'est â lui que revient la mission d'exprimer la volonte nationale et que, par consequent, il est meme çn mesure de changer le systeme constitutionnel; qu'il peut etablir un nouveau regime gouvernemental ou agencer a nouveau le systeme des Droits de l'Homme et des libretes fondamentales et etablir un nouveau regime des libertes.

İci apparaît le noeud de la question que nous nous sommes proposes d'exposer.

 supposer que l'organe legislatif ordinaire soit a la fois l'organe constituant avec certaines modalites fixees par la Constitution, dans quelle mesure est-il possible de modifier le systeme de l'Etat de Droit consacre par ladite constitution?

Le parti politique disposant de la majorite suffisante au sein de l'organe competent est, â nötre avis, lie par les premisses et les regles regissant la conception des Droits de l'Homme. C'est-â-dire, par ces droits eux-memes, leur respect et leur garantie. II ne pourra done pas se permettre de s'engager dans une voie qui aboutirait â la destruction ou â une restriction illegitime des Droits de l'Homme. II tomberait lui meme dans l'illegitimite.

II existe, si l'on peut dire, -usant du vocabulaire du Doyen Roscoe Pound- des (standards) constitutionnels que tout Etat democratique est tenu de strietement observer. Ainsi, par exemple, la Constitution des Etats-Unis interdit au pouvoir legislatif la confection des lois â effet retroactif. Certaines constitutions, et entre autres, celle de la Turquie, erigent en principe sacre la forme republicaine de l'etat ou du gouvernement, ou encore des deux, et disposent qu'il est meme defendu de deposer une proposition tendant a la modification de cette forme.

II s'ensuit que le Pouvoir Politique est lie de par la nature constitutionnelle de l'etat â observer et faire observer des standards definis.

Le respect et l'observance des droits de l'Homme vient a la tete de ceux-lâ. Le critere servant de base, soit a la nomenclature, soit a la nature et a la definition des Droits de l'Homme, sera celui adopte par la Declaration Üniverselle ou, dans les cas oü elles peuvent apporter plus de precision et de elarte, aux Declarations regionales.

II s'agit done de prendre en main les textes des Declarations, et en particulier, celui de la Declaration Üniverselle des Droits de l'Homme.

C'est lâ un des aspects de la question. Difficile peut-etre â resoudre. Car, des considerations politiques peuvent entrer en jeu et, qui dit (politique), dit (interet); done, discordance et meme parfois absence de raison.

Un autre aspect de la question nous semble beaucoup plus attrayant, sinon important. C'est celui de faire ressortir les valeurs juridiques respeetives du phenomene «eleetions au suffrage üniversel » et du premisse «obligation pour la representation populaire ou nationale d'observer les standards constitutionnels».

Nous pensons que le suffrage üniversel est le mode et la condition formelle du regime politique susceptible de realiser la Primaute du Droit adoptee et definie par un systeme constitutionnel determine.

Vu sous cet angle, le fond du probleme reşide dans la conception que se fait l'executif de la valeur des standards constitutionnels, ou, mieux encore, du degre d'honnetete et du respect qu'il nourrit a l'egard desdits standards. En effet, si l'executif -qui â nötre epoque possede effectivement une suprematie- se hasarde a se considerer comme capable de modifier le systeme de l'Etat de Droit etabli par la Constitution, la condition de fond de legitimite gouvernementale risque d'etre detruite. Le Contrat Social sera rompu. Puisque, le suffrage üniversel (condition de forme) qui avait ete le procede legitime pour determiner qui şerait le detenteur du pouvoir, avait fait son choix en consideration des standards constitutionnels existants. Le pouvoir electoral a confie mandat et donne mission aux elus â condition d'observer les standards constitutionnels. La legitimite du pouvoir elu depend de la constance du respect â cette condition.

Dans le cas ou les constitutions etablissant l'Etat de Droit se contentent de confier cette mission a l'organe legislatif ordinaire avec certaines modalites particulieres tendant a assurer une certaine rigidite, il peut arriver que le legislatif soit un jour tente de modifier des normes de base.

Mais, dans tous les cas, les normes destinees a l'instauration de l'Etat de Droit ne peuvent etre abrogees, ni modifiees dans le sens d'un affaiblissement des garanties des Droits de l'Homme.

Quant â etablir s'il y a derogation a la condition de fond que nous venons d'etablir, il faudrait dans chaque cas, examiner les principes essentiels contenus dans le systeme constitutionnel en question. II va şans dire que ces principes seront toujours conformes â ceux enonces pour le regne de la Primaute du Droit.

Un cas d'une exceptionnelle gravite est en train de se derouler en Turquie.

Les detenteurs du pouvoir politique adoptent dans leurs agissements parlementaires des comportements incompatibles avec les principes constitutionnels et meme contraires aux regles essentielles adoptees par la constitution.

La Constitution de la Republique Turque de 1961 a cree un systeme reposant sur certains piloris fondamentaux. Afin de realiser «l'Etat de Droit democratique» elle a insiste â ce que l'Etat soit respectueux des Droits de l'Homme, qu'il soit la'ique et qu'il tende d'une maniere continue â atteindre le niveau de la «civilisation contemporaine ».

Or, il est advenu que la majorite parlementaire, issue des elections generales, par consequent d'une procedure concurencielle, s'ecartât des standards immuables et provoquât un malaise tres difficilement reparable.

II n'est pas dans le ton des pays de civilisation contemporaine de tolerer la confrontation belliqueuse des partis politiques, de les voir s'en venir aux mains, s'affronter en bagarres. Malheureusement, ce fut ce qui s'est produit au Parlement turc en Fevrier 1968.

On peut penser que le fait peut etre considere comme endemique et vulgaire et ne pas aller faire des deductions generales. Celâ serait şans doute possible si les causes meme des evenements n'etaient pas en relation directe avec les standards constitutionnels et en particulier avec le principe de la laîcite de l'Etat.

La situation est tellement grave que le Chef de l'Etat s'est cru oblige de traiter ce sujet dans son message du 9 Mars 1968. II parle, de la necessite urgente de sauvegarder le principe de la laîcite du regime, de respecter les lois de la reforme. II mentionne l'apparition de divers sectes religieux poursuivant des visees politiques. II fait remarquer que les courants d'extreme droite ont pour but la creation de l'Etat du Sheria (ententez canonique) et que les courants d'extreme gauche beneficient a leur tour de cette situation.

On voit combien le principe du laîcisme a une signification toute particuliere pour la Turquie.

La Turquie est un etat neuf. Elle naquit dans les 1920. Elle n'est pas une greffe sur l'organisme mort de l'ancien Empire Ottoman. C'est un pays «futuriste», tourne vers l'avenir. De plus, c'est un pays reformiste et evolutionniste. La tres grande majorite de sa population est de croyance musulmane. Le pays savait par experience dans le passe combien l'influence de la religion dans les affaires publiques avait ete nefaste pour l'Etat. L'accoutumance d'une telle ingerence avait coûte la vie a un empire. L'İslam ne se prete pas a l'evolution. il n'est pas seulement un systeme de foi religieuse, mais il se pretend en meme temps constituer la categorie des normes de la vie seculaire. Ses preceptes etant figes dans le Livre Saint on ne peut les adapter aux evenements courants. Ils ne peuvent etre mis «up to date».

De la provient une contradiotion irreductible.

La nouvelle Turquie a ete fondee en consideration de cette verite. Et, c'est pour cela que la lai'cite de l'Etat et dans l'Etat fut la clef de voûte du nouvel edifice que fut la Republique Turque.

L'Etat repose sur deux hypotheses. Â savoir: la Republique et le Laîcisme.

Depuis le debut du pluralisme politique, debut datant de 1946, un phenomene provoquant l'apparition d'un courant reactionnaire se developpa de plus en plus. Ce courant a pour but de mettre le pouvoir politique sous l'influence des forces religieuses. C'est un courant qui a pour but l'instauration d'un anti-lai'cisme malgre le standard constitutionnel de l'Etat.

Un mouvement reactionnaire se dessine tres nettement.

Le chef du parti au pouvoir semble ne pas avoir conscience de la gravite de la situation. Şans mettre en doute, ni discuter leur sincerite et leur bonne foi, on peut tres aisement dire que la plupart des responsables politiques ont une fausse idee du principe de laicite.

Pour le leader du parti au pouvoir les agissements reactionnaires representent la manifestation de la liberte de croyance. Le probleme se presente des lors â un niveau tout â fait different. II s'agit de faire un choix entre le principe de l'Etat laîque et la liberte de conscience.

La liberte de conscience proprement dite fait partie du «domaine reserve» de l'individu. Nul ne saurait s'y ingerer, y compris l'Etat et sous quelque pretexte que ce soit.

On ne peut rien dire contre cet argument.

Seulement, le leader du parti au pouvoir est en train de confondre le loisir d'adherer a la croyance de son choix, la liberte d'exercer son culte et la necessite de ne pas laisser l'Etat s'influencer par cette force etrangere qu'est la religion. Nier cette necessite conduirait a la perte d'independance par self-abandon. L'Etat turc ne peut rester constitutionnel que si la religion n'a absolument aucun effet dans la gestion et la marche des affaires de la vie publique.

Revenons maintenant â la question que nous nous sommes poses. Â savoir: si le pouvoir, legitime au debut, continue â conserver sa legitimite durant la periode de Legislature dans le cas oü il s'ecarte des principes constitutionnels formant lâ base du systeme de l'Etat de Droit.

İl ya lâ, ainsi que nous l'avons signale, un point touchant les Droits de l'Homme. Car la T u r q u i e est selon l'article 2 de sa Constitution un «Etat fonde sur les Droits de l'Homme». La secularisation de l'ensemble de l'administration constitue l'une des garanties principales des Droits de l'Homme.

II n'y a pas de liberte, donc pas de Droits de l'Homme lâ oü il y a contrainte.

Or, l'îslam contraint l'individu â garder la eroyance pour toujours. Le croyant musulman n'a pas le choix de credo, il est force de vivre sa vie conformement aux regles de la religion. Ces regles visent la vie fütur e de l'autre monde.

Les forces religieuses menent a l'heure actuelle une campagne massive afin de transplanter leur influence dans la vie politique. La majorite parlementaire detentrice du pouvoir soutient ces agissements qui sont manifestement contraires aux exigences du principe de la laîcite de l'Etat. Afin de donner une explication plausible de son comportement, le pouvoir se sert du pretexte de neutralite de l'executif envers la eroyance de l'individu.

De lâ provient la crise portant les pires dangers. Les Droits de l'Homme s'en trouvent direetement menaces. L'Etat constitutionnellement «fonde sur les Droits de l'Homme» et proclame «laique» afin que ces droits puissent etre realises est virtuellement prive de l'une de ses conditions essentielles tant que les elus s'ecartent du cadre trace par la Constitution.

II conviendrait â notre avis de constater qu'avant tout il serait souhaitable que les systemes constitutionnels qui ne l'ont pas encore fait, prennent pour base essentielle les Droits de l'Homme; et qu'ensuite, que les systemes qui l'ont dejâ fait, comme celui de la Turquie, veillent â ce que les pouvoirs politiques ne derogent aux standards adoptes et definis par la Constitution.

Afin de pouvoir aboutir â ce dernier resultat, nous souhaiterions que des mesures depassant les cadres nationaux soient prises. En effet, toutes les garanties ^noncees par les constitutions et appliquees dans la vie etatique restent inefficaces ou ne produisent pas les effets desires. II est temps que la conception vieillotte de (souverainete) soit sompletement abartdonnee et cede la place â un concept plus rationnel.

L'Homme est une valeur üniverselle. II appartient au concert des etats de veiller â ce que ses droits fondamentaux soient respectes. Tous les etats, quels qu'ils soient, doivent en quelque sorte etre sous la surveillance et le contröle d'un certain mecanisme extra national pour la sauvegarde effective des Droits de l'Homme.

Les Etats doivent savoir que le systeme politique a la mission de realiser les Droits de l'Homme. Et les organes legislatifs â leur tour, doivent avoir conscience du respect des normes constitutionnelles propres a realiser la Primaute du Droit.

On voit que nous avons besoin d'une audace revolutionnaire, d'un nouvel ordre interatique dont la condition primordiale serait l'introduction de nouveaux standards constitutionnels propres â la creation de l'Etat de Droit. Ces Etats devraient accepter l'intercalation d'une volonte exterieure dans les cas oü les Droits de l'Homme seraient sous la menace serieuse de deperrissement par voie meme legislative dans la forme.

Le systeme de la suprematie des traites et des engagements internationaux s'est avere insuffisant. II conviendrait par consequent d'essayer d'aboutir a des solutions differentes.

Nous pensons que la creation d'organe international avec competence de faire injonction dans les cas de derogation patente aux normes constitutionnelles garantissant les Droits de l'Homme şerait d'une utilite incontestable.

Tout revient â assurer, non pas la creation d'un organe competent pour une telle tâche; mais, et surtout, le respect des entites etatiques aux injonctions de l'organe qui serait constitue.

Nul doute qu'on aura â faire â la resistance des souverainetes des Etats. Souverainete comprise dans un sens dejâ depasse depuis fort longtemps, mais qui pourtant persiste encore un peu partout.

Les developpements technologiques actuelles ont rendu la souverainete de l'Etat un vain mot. II est meme discutable de savoir si l'on peut encore parler de l'independance des etats, de cette independance qui constitue la condition de la souverainete de l'Etat. En effet, la technologie, avec un grand (T) est effectivement le monopole de deux pöles politiques principaux. II existe deux centres de polarisation capables d'engendrer les developpements technologiques importants. Et tous les Etats font partie de l'une ou de l'autre de ces plei'ades. Nous ne croyons pas personnellement a l'existence d'etats d'une troisieme categorie quel que soit le nom qu'on lui attribuerait.

Le probleme se pose de savoir dans quelle mesure les deux centres de polarisation peuvent etre rapproches dans une conception commune des Droits de l'Homme. Si l'on peut arriver â realiser ce rapprochement, le reste sera relativement simple.

Voyons pour cela quels sont les points d'eloignement. Disons provisoirement que les deux centres de categorie de prolarisation peuvent successivement revetir les qualifications de (legalite individualiste) et de (legalite socialiste).

Dans la premiere la suprematie reşide dans la valeur de l'individu en tant que ünite originelle. Dans la seconde la priorite appartient au tout. Ce sont le particulier et le general qui se confrontent.

Mais, une constation s'impose: un demi siecle d'evolution a demontre que ni l'un ni l'autre des systemes decoulant des deux conceptions ne representait la verite ideale.

Les deux systemes se sont vus obliges d'emprunter des institutions l'un a l'autre. Du cöte de la categorie (legalite individualiste) l'Etat a fini par se qualifier de «social» â l'exemple de la categorie concurrente. Et, du cote de la categorie (legalite socialiste) il a fallu que la valeur de l'individu soit reconnue et consacree selon le mode de la categorie opposee.

Voilâ qui est rassurant. Voilâ qui prouve qu'il peut y avoir des domaines communs. Les auteurs de la Declaration Üniverselle des Droits de l'Homme l'ont bien vu et le texte de la Declaration en fut en quelque sorte la synthese. Mais, comme il se devait â l'epoque, ce fut une synthese plutöt timide et meme pas assez clairement definie.

Une nouvelle solution peut cette fois sortir de ce que nous appelerons «Interpolation Üniverselle des Droits de l'Homme». Ce şerait la seconde phase dans le domaine de la conquete de la dignite- humaine; la premiere etant celle de la Declaration Üniverselle des Droits de l'Homme, phase dejâ revolue.

«L'Interpolation Üniverselle des Droits de l'Homme» consisterait en l'acceptation, non pas des valeurs communes -puisque cela a dejâ ete faite avec la Declaration Üniverselle- mais de la creation d'un mecanisme üniversel investi de la competence de decision. Les «constellations polaires» existantes s'engageraient şans formüler de reserve a se conformer aux suggestions conseillees. Le but de cette interpolation şerait la sauvegarde de l'universalite de la dignite humaine. L'Homme ne doit plus lutter contre l'Etat pour atteindre ses libertes; mais ce doit etre par contre l'Etat qui a constamment â veiller â la sauvegarde des Droits de l'Homme. Celâ doit desormais constituer l'une des fonctions principales du pouvoir.

L'auteur de ces lignes reconnaît la grande difficulte de l'interpolation üniverselle. L'initiative mettra şans doute en cause la conception meme de l'Etat. Mais, il considere que la suggestion vaut d'etre avancee sous forme de Resolution. II est meme convaincu que les difficultes seront en grande partie ecartees puisqu'au fond, â cote de la sauvegarde des Droits de l'Homme, les Etats trouveront une garantie extra nationale des fondements de leur propre constitution. Cette nouvelle garantie sera elle meme constitutionnelle; car, toute mesure tendant a la conservation des standards constitutionnels est elle-meme conforme a la Constitution, et dans une structure constitutionnelle ayant pour but l'edification de l'Etat de Droit, les mesures destinees â assurer les Droits de l'Homme ne peuvent etre interpretees comme etant contraires a la constitution. On pourrait souhaiter qu'il nous şerait possible d'entrer de la sorte dans la nouvelle periode des garanties extra nationales de la constitutionnalite pour les pays d'Etat de Droit. Cette question de la constitutionnalite avait pourtant ete jusqu'â present une question d'ordre juridique interne.

Le present resume n'a pas, comme on a pu le constater, la pretention d'apporter des solutions definitives. II souhaite tout simplement poser des problemes. Son auteur porte la conviction que exposer les questions a grand jour permet la preparation de leur solution future. Son seul desir c'est de voir les entites politiques membres du concert des Etats adopter la conception de la Primaute du Droit, s'efforcer â la realisation serieuse de cette Primaute, et par la â la sauvegarde effective des Droits de l'Homme. II pense que ces resultats ne peuvent etre atteints qu'â un niveau superieur au niveau national et par une nouvelle conception de ce qu'est du point de vue classique l'essence de ce que nous appelons Etat. II faudrait, selon lui, garder indemne les standards constitutionnels de l'Etat de Droit par des nouvelles mesures sur le plan extra national tout en mettant de cote les soit disant inquietudes pravenant de la conception de souverainete etatique qui, en fait, est depuis longtemps depassee.

Nous avons tenter de montrer dans les lignes qui precedent un des obstacles capitaux qui empeche la reconnaissance effective et efficace des Droits de l'Homme: la non observance par les gouvernants des normes regissant l'Etat de Droit.

Notons que pour les pays ou la Primaute de Droit est revetue d'une valeur constitutionnelle, mais qui pourtant sont en voie de developpement ou sous-developpes, la question qui du point de vue pratique est la plus importante est celle de faire demarrer la campagne d'education destinee a faire comprendre le concept des Droits de l'Homme dans le cadre des agglomerations inferieures. C'est, en effet, par exemple, dans les hameaux ou dans les villages qu'il s'agit de concentrer les efforts. L'echelon departemental ou national ne peut etre atteint que lorsque les petites unites administratives sont conquises. Le respect des droits de l'homme depend des comportements individuels qui sont les memes pour toutes les communautes humaines. On pourrait les fixer et les apprendre. Les agglomerations restreintes, peu peuplees, relativement fermees se pretent mieux a la diffusion de la connaissance. L'une des meilleures methodes consiste â eveiller la conscience des petits groupes en leur confiant le probleme de l'education relative aux Droits de l'Homme comme etant leur Chose â eux, comme etant leur propre chose.

Au niveau national, la solution de l'Ombudsman ou du Parliamentary High Commissioner est difficile â realiser dans les pays şans longue tradition democratique. D'autant plus que le succes de l'Ombudsman est lie dans une certaine mesure â l'etendu du champ d'application de ses competences. II faudrait, par consequent, passer par le stade de l'education des petits groupements. Nous pensons que des essais tres profitables peuvent etre faits a l'occasion de l'Annee des Droits de l'Homme.

Nous nous permettrons de retourner encore une fois a la Turquie. II y a la un exemple a suivre. La Constitution Turque a proclame le «Droit de la resistance â l'oppression» comme etant un Droit collectif de l'Homme. D'apres le Preambule de cette constitution le Droit de la resistance a l'oppression est ne quand le pouvoir politique se rend illegitime par ses agissements contraires au Droit. Nous voyons quant â nous dans cette disposition une mesure efficace de retenir le pouvoir politique dans les limites constitutionnelles. Cette mesure doit etre completee par des dispositions speciales relatives aux partis politiques. Nous estimons que l'exemple fourni par la Constitution de l'Allemagne Federale et suivi par celle de la Turquie vaut la peine d'etre retenu: les partis politiques sont constitutionnellement reconnus.

La Constitution turque ajoute que les partis politiques sont obliges de conformer leurs statuts, programmes et activites aux principes de la Republique democratique et laîque reposant sur les Droit et Libertes de l'Homme sous peine d'etre dissous par la Cour Constitutionnelle.

Une disposition similaire regit l'activite des groupes formes en associations. Ces groupes sont interdits d'xploiter la religion ou les preceptes religieux dans le but d'influencer l'ordre social, economique, politique ou juridique de l'Etat.

Un cote tres important de notre sujet sur lequel nous devrions nous pencher est celui de l'influence des progres et avancements technologiques sur les Droits de l'Homme.

Nous ne croyons pas que les progres de la technologie presentent un danger pour l'avenir de la liberte. Le danger naîtrait plutöt du developpement et de la preponderence de . la «technocratie». Cette derniere şerait capalble d'enrayer le gouvernement democratique. Elle possederait tous les pouvoirs şans encourir de responsabilites. İl y aurait la un cas analogue â celui engendre par l'ingerence de la religion dans la vie politique. İl viendrait de prime abord â l'idee de bannir la technologie de la vie de l'Etat â l'exemple du bannissement de la religion. Mais, ce şerait une solution trop simpliste. Car, la raison pour laquelle la religion est ecartee du domaine de la politique est que, celle-ci empeche les evolutions vers une meilleure vie de çite, qu'elle est fermee aux nouveautes. Or, la situation est inversee avec la technologie. Le regime democratique pourra au contraire en profiter. Seulement, il ne faudrait pas que la technlogie s'impose a travers des elements humains formant une equipe de specialistes s'arrogeant le droit effectif de prendre des decisions politiques. Du reste, l'influence de la technologie sera benefique pour les differents pays. Elle servira a niveller leur mode de vie et par la süite, leur entendement et leur comprehension.

Ce qui semblerait sujet a inquietude şerait l'eventualite de la destruction ou plutöt, du deperissement des valeurs culturelles traditionnelles.

Nous pensons que dans ce domaine il existe une loi qui fonctionne en sens inverse de la loi de Gresham. Ce n'est pas le mauvais qui chasse le bon; mais, au contraire, le meilleur qui force le moins bon a dispara'itre. Si une culture existante conserve une valeur intrinseque qui fait qu'elle subsiste, rien ne l'empechera de durer. Si une culture nouvelle, superieure a l'ancienne fait son apparition, le passe sera balaye. II s'agirait, non pas de proteger coûte que coûte l'ancienne culture, mais de conserver des vestiges et des traces de celle-ci afin que l'histoire de la civilisation ne soit pas entrecoupee.

 notre avis, la civilisation technologique est un fait. C'est un fait scientifique aussi bien que positif. Nous dirons meme que c'est un fait radical. Rien ne resiste devant les nouveautes technologiques. II n'y a pas moyen de lutter avec. Les armes sont trop inegales. La technologie moderne est condamnee â gagner. Elle est une nouvelle habitude, et l'Homme a toujours ete un peu esclave de ses habitudes. II y aura bien des abus, il y aura peut-etre des souffrances. Mais, la technologie apportera aussi ses innombrables bienfaits.

Nous sommes au seuil d'une ere nouvelle pleine d'espoir. Tâchons tout simplement de faire face aux dangers reels et de les ecarter. La parole est aux specialistes.

Quant a la technocratie, elle marquera l'avenement d'une nouvelle classe de gouvernants â la maniere des sages de la Grece Antique. İl est possible que les methodes de gouverner soient ameliorees. Ce â quoi il convient de porter une attention particuliere, c'est qu'il n'y ait pas atteinte aux Droits de l'Homme. Et, pour cela il faudrait que les gouvernants, quels qu'ils soient, respectent les standards constitutionnels de l'Etat de Droit.


 

[1] Yıl 1969 Cilt 26 Sayı 3-4, Sayfa: 31-44

[2] Professeur â la Faculte de Droit d'Ankara, Doyen de la Faculte d'education, Departement des Droits de 1'Homme.

 
 
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